Une intoxication saisonnière peu connue : les glands

Les glands sont les fruits du chêne, terme générique qui englobe de nombreuses espèces d’arbres et d’arbustes de la famille des Fagacées et du genre Quercus spp. Ils sont essentiellement répandus dans l’hémisphère Nord et sur les centaines d’espèces réparties dans le monde, huit d’entre elles poussent naturellement en France : c’est l’arbre le plus répandu sur notre territoire.

Le gland est un fruit akène c’est-à-dire un fruit sec indéhiscent à graine unique. Sous nos latitudes, la floraison a lieu entre mars et mai. Les glands sont matures 6 mois plus tard. Il faut attendre plusieurs années avant que les arbres donnent des fruits. Les quantités produites sont aléatoires d’une année sur l’autre et dépendent des conditions climatiques.

A l’entrée de l’hiver, la faune sauvage profite largement de cette nourriture : sangliers, cervidés, écureuils, ours, oiseaux, petits rongeurs.

 

Retour dans le passé : traditionnellement, pendant des siècles, à l’automne et en hiver, on emmenait les cochons à la glandée dans les forêts de chêne pour qu’ils se nourrissent de glands. Encore aujourd’hui, certaines races porcines dont la fameuse race noire ibérique perpétuent la tradition pour faire le succulent jambon Pata negra.

Après une préparation réalisée pour ôter les tanins toxiques, les glands ont aussi longtemps fait partie de l’alimentation humaine : ils étaient considérés comme un aliment du pauvre. Au Maroc et en Algérie, les fruits du chêne liège (Quercus suber) y sont encore consommés.

Dans la pharmacopée traditionnelle, les glands sont séchés au soleil, broyés en une poudre fine utilisée pour ses propriétés toniques et astringentes. Elle est réputée soigner les estomacs fragiles, les diarrhées ou les gastrites surtout à l’entrée de l’hiver ou lors d’une fatigue passagère. Elle peut également être bue comme le café.

La toxicité des glands est due à la présence de tanins. Plus le gland est vert, plus il est toxique.

En métropole, les espèces les plus dangereuses sont les chênes rouvres ou sessiles (Quercus petraea), les chênes pédoncules (Quercus robur) et les chênes rouges d’Amérique, une variété importée.

Les tanins des glands, une fois hydrolysés dans le tube digestif,  donnent des acides phénoliques dont l’acide gallique. Ce dernier, sous l’effet de la flore digestive, se transforme en une molécule hépatotoxique et surtout néphrotoxique.

Parmi les espèces sensibles, on trouve les bovins, les chevaux et les chiens.

Nos herbivores domestiques les consomment surtout lorsqu’ils sont sur des pâturages pauvres en herbe et quand des vents forts les font tomber en grand nombre. L’amertume des glands immatures très chargés en tanins n’empêche pas leur consommation par certains animaux malgré une herbe plus grasse à proximité.

Ce sont surtout des jeunes chiens ingénus et curieux de tout qui les mangent ou des chiens souffrant de troubles du comportement comme l’hypersensibilité-hyperactivité ou le pica.

La toxicité dépend de la quantité ingérée et de la répétitivité de l’ingestion.

Chez les bovins, les symptômes apparaissent quelques jours après le début de la consommation. On note une fatigue, une baisse d’appétit avant l’anorexie, l’absence de rumination et la constipation. La production de lait est réduite drastiquement chez les vaches laitières. Après la constipation, succède une diarrhée noirâtre et nauséabonde. Les reins sont touchés: on constate une douleur à la palpation de la vessie, des urines sombres avec du sang avant l’arrêt des mictions. Des tremblements, des convulsions et le coma interviennent juste avant le décès. Ce sont les signes d’une insuffisance hépatorénale mortelle.

Chez les chevaux, l’évolution est sensiblement identique : coliques violentes, diarrhées hémorragiques, douleurs à la miction, urines noires et épaisses, agitation, ataxie. Les animaux meurent d’insuffisance rénale aiguë.

Chez les chiens, on constate en premier des vomissements, une constipation suivie d’une diarrhée. Les reins par rapport aux espèces précédentes sont plus épargnés que le foie. Néanmoins en cas d’intoxication sévère ou chez les jeunes animaux, l’évolution aboutit aussi au décès du patient.

Et donc que peut-on faire ?

Il n’y a pas d’antidote.

Le conseil est quelque soit la quantité ingérée chez les chiens, une consultation d’urgence et une hospitalisation seront nécessaires. Si l’ingestion date de moins de 2 heures, on pourra faire vomir l’animal et donner du charbon végétal activé pour limiter l’absorption des toxines restantes. Il faudra surveiller la fonction hépatique et perfuser le malade. Pour les bovins et les chevaux, le traitement est symptomatique et si l’insuffisance rénale est installée, l’issue sera hélas fatale.

Afin de prévenir cette intoxication, il est préconisé de ramasser les glands dans les jardins privés et d’éviter les zones de pâturages où les chênes sont présents.

Ci-dessous quelques notes très personnelles concernant les chiens :

Pour avoir eu le cas, l’ingestion de gros glands non mâchés chez de petits animaux peut provoquer une occlusion intestinale.

De même, une fausse route (passage dans la trachée et les bronches au lieu de l’œsophage) peut être à l’origine d’une détresse respiration.

Petite information complémentaire:

Les bourgeons des chênes sont également toxiques car riches en tanins. L’intoxication est cependant printanière et concerne les bovins ainsi que les chevaux. On la connaît sous l’appellation du mal de brou ou maladie des bois. Les symptômes sont similaires à ceux décrits précédemment.

Sources : La Dépêche Vétérinaire – supplément n° 132 – octobre 2017 (glands : une source d’intoxication saisonnière peu connue – p. 6-7) 

Cet article a été sélectionné et rédigé par le Dr CARRERE

 

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