Une maladie en recrudescence
Incluse dans le protocole vaccinal classique du chien, la leptospirose est en recrudescence dans notre pays et dans notre région.
Rappelons que cette maladie est souvent mortelle. La vigilance est donc plus que jamais de mise et la vaccination toujours incontournable.
La leptospirose est une maladie en pleine évolution dans notre pays. Ces dernières années, son épidémiologie et sa clinique ont évolué, avec l’observation de nombreux cas atypiques. Cette maladie est problématique à plus d’un titre.
Déjà, car il s’agit d’une zoonose bactérienne (transmissible de l’animal à l’Homme) qui engendre chaque année quelque 300 cas humains, avec une incidence plus élevée en fin d’été et début d’automne.
Elle peut se transmettre directement, par contact avec un chien infecté ou par morsure, ou indirectement, à la faveur d’une baignade dans une eau douce hébergeant des leptospires.

Elle est considérée comme une zoonose professionnelle et les autorités sanitaires recommandent une vaccination ciblée des catégories professionnelles à risque (vétérinaires, agriculteurs, égoutiers …). D’autre part, la leptospirose est problématique chez le chien de par son incidence élevée, évaluée à 1 cas pour 10 000 chiens et toujours en croissance (une hypothèse avancée est le réchauffement climatique qui accroît la présence des rongeurs réservoirs), et son évolution atypique ces dernières années.
Le portage est également important chez des rongeurs aquatiques comme les ragondins et les rats musqués, surtout dans l’Est de la France.
Certains chiens apparemment sains peuvent également être des porteurs excréteurs asymptomatiques. Concernant l’incident de la maladie, les études ont montré une prédisposition des chiens mâles de moyenne à grande races, essentiellement pour des raisons comportementales.
Les études sur la maladie humaine ont montré que les Ardennes étaient un des départements les plus touchés, une situation qui s’explique par la combinaison de facteurs de risque (ruralité, loisirs aquatiques en eau douce, climat doux et humide à la saison estivale-automnale que favorise la survie des leptospires dans l’environnement, hydrographie, présence de rongeurs comme les ragondins et rats musqués, deux vecteurs de la leptospirose).

Outre le Nord-Est, le Sud-Ouest fait également partie des zones les plus concernées par la maladie humaine.
Forme classique
Pour comprendre ces évolutions, il faut déjà connaître la forme classique de la maladie. Cette dernière est due à la pullulation dans le sang et les tissus de la bactérie du genre Leptospira. Deux sérogroupes principaux étaient jusqu’à présent en cause dans l’espèce canine (Leptospira icterohaemorrhagiae et L. canicola) et sont inclus dans les vaccins disponibles en France. Mais, ces dernières années, de nouveaux sérogroupes ou des variants, comme L. grippotyphosa et L. australis, ont fait leur apparition sur le terrain. Les données épidémiologiques récentes montrent une prédominance en France des sérogroupes australis et icterohaemorrhagiae.
Les leptospires sont entretenues par des réservoirs de la faune sauvage, principalement des rongeurs qui sont des porteurs rénaux, le plus souvent asymptomatiques. Ces rongeurs les éliminent dans l’eau via leur urine et les leptospires peuvent y survivre très longtemps.
Le chien peut alors se contaminer à la faveur d’une baignade ou de l’ingestion d’eau souillée. Les bactéries pénètrent par voie cutanéomuqueuse au niveau des espaces interdigités ou de la muqueuse nasale et atteignent le flux sanguin où elles se multiplient.
La maladie peut aussi se transmettre mais moins fréquemment par morsure, par voie transplacentaire et par ingestion de viande infectée. L’incubation dure généralement 5 à 6 jours, après quoi la bactérie dissémine dans l’organisme pour atteindre ses organes cibles que sont le rein et le foie principalement.
Signes hépatiques et rénaux
Les signes cliniques classiques de l’infection sont donc hépatiques et/ou rénaux.
La maladie est connue sous des formes aiguës, fébriles et souvent mortelles en absence de traitement précoce adapté. Cliniquement, elle se manifeste par une gastro-entérite hémorragique associée à un ictère dit flamboyant en raison de la congestion des muqueuses. C’est la forme classique dite ictéro-hémorragique.
Elle semble aujourd’hui moins fréquente que la forme rénale caractérisée par une insuffisance rénale aiguë associant des symptômes généraux, digestifs (vomissements) et urinaires (chien qui boit davantage et urine plus…).
L’hyperthermie n’est pas systématique. La leptospirose peut aussi sévir sous des formes chroniques et des formes subcliniques. Les variations dans l’expression clinique s’expliquent par différents facteurs : statut immunitaire du chien, nombre de leptospires rencontrées, virulence de la souche …
Ces dernières années, on a aussi assisté à l’émergence de formes atypiques : pulmonaires (détresse respiratoire aiguë, décrite en Allemagne et en Suisse), troubles sanguins (saignements, anomalies de la formule sanguine …) cardiaques, oculaires, etc.
L’insuffisance rénale aiguë est, au final, la manifestation la plus fréquente de la leptospirose. Elle se traite initialement par une fluidothérapie pour rétablir la volémie et corriger la déshydratation.
Rôle du chat ?
Outre le chien et l’Homme, d’autres espèces sont susceptibles d’être touchées par la maladie comme le cheval, les bovins, les porcins, etc. Les manifestations cliniques sont généralement différentes de celle observées chez le chien.
Le chat également peut être touché et son rôle dans la transmission de la leptospirose a été analysé. Cet animal peut, comme le chien, s’infecter par absorption de proies ou d’eau contaminées. Cette espèce est néanmoins beaucoup moins sensible que le chien à la maladie et cette situation pourrait s’expliquer par des facteurs d’ordre immunitaire.

L’issue de la maladie canine dépend surtout de la précocité du diagnostic et de la prise en charge. Le chien peut notamment conserver des séquelles rénales. Il peut aussi rester porteur chronique de leptospires au niveau rénal ce qui entretient la contamination d’autres animaux.
La nouvelle diversité clinique complique le diagnostic. Or une détection précoce de la maladie conditionne le pronostic. En effet, plus le traitement est instauré tôt, plus les chances de guérison sont importantes. Le diagnostic de la leptospirose passe par la mise en évidence du germe soit dans le sang, s’il a lieu avant le huitième jour suivant le début de la maladie, soit dans les urines, après le huitième jour.
La prophylaxie ou prévention est sanitaire : éviter les baignades dans les étangs ou rivières contaminés, détruire les rongeurs dans les chenils, dépister sérologiquement les chiens infectés apparents, désinfecter les locaux (l’eau de Javel diluée est efficace pour détruire les leptospires), détruire les déjections des chiens malades.
Vaccination incontournable
Elle est aussi médicale et passe par la vaccination systématique des chiens avec un protocole ciblé. La diversité bactériologique des leptospires explique la survenue de cas cliniques atypiques et la mortalité parfois associée à l’infection, même chez des chiens vaccinés.
Les laboratoires vétérinaires ont réagi et certains proposent désormais des vaccins associant jusqu’aux quatre valences de leptospires circulant sur notre territoire, dont L.australis. La protection vaccinale est en effet spécifique de sérogroupe et on n’observe pratiquement pas de protection croisée.
Le rappel vaccinal est théoriquement annuel mais chez les chiens soumis à un risque d’infection (chiens de chasse notamment), il peut être conseillé de réaliser des injections de rappel tous les six mois. De même, le protocole habituel recommande une primovaccination en deux injections mais certains vétérinaires préfèrent en faire trois.
La vaccination reste une mesure de prévention incontournable car elle permet de réduire l’agressivité de la clinique et ainsi de laisser le temps au vétérinaire d’instaurer un traitement. L’arrêter signifierait inévitablement une hausse massive du nombre de cas. Les autorités sanitaires préconisent d’ailleurs toujours la vaccination généralisée des chiens.
Une étude* a validé le fait qu’elle n’interférait pas avec le diagnostic de la maladie. Plusieurs critères interviennent dans le choix d’un vaccin qui doit à la fois réduire les symptômes et la mortalité chez le chien mais aussi diminuer l’excrétion post-contamination, pour protéger notamment les humains.
Sources : Maud Lafon (Centrale Canine Magazine n° 170)
*Midence J.-M., Effect of recent Leptospira vaccination on whole blood real-time PCR in healthy client-owned dogs, Journal of Veterinary International Medicine, 2012, volume 26, pages 149-152
Cet article a été sélectionné et rédigé par le De CARRERE