Les chats des écrivains

Si le chien porte régulièrement le titre de meilleur ami de l’homme au sens général, le chat serait plutôt celui de l’écrivain, quel que soit son style d’écriture.

A tour de rôle, accompagnant, soutien moral ou muse, ce mystérieux animal est à l’origine de nombreuses anecdotes que vous allez découvrir si vous le souhaitez.

Avec son compagnon Jean Marais, Jean Cocteau, poète, écrivain et cinéaste, collectionnait « sentimentalement » ses amis félins. Sa chatte blanche et surtout son persan bleu Karoun inspirèrent les deux artistes.

On se rappelle la beauté du maquillage mémorable de Jean Marais dans le film La Belle et La Bête (1946) que les traits de Karoun auraient suggérés à son maître.

Ses attitudes et ses miaulements permirent à l’acteur de composer une « Bête » exceptionnelle de vérité et de poésie. Jean Marais les reproduisit également en peinture et en sculpture.

Jean Cocteau aurait fait graver sur le collier de Karoun une phrase ironique : « Cocteau m’appartient ».

Hamilcar, le chat d’Anatole France, a passé sa vie dans la grande bibliothèque de son maître près de la cheminée. Ce dernier le décrit et conserve son prénom dans Le Crime de Sylvestre Bonnard (1881).

Hamilcar n’est pas seulement un érudit mais un gardien aux « vertus militaires » qui ne laissera pas les « vils rongeurs » s’attaquer à la bibliothèque de l’écrivain.

Anatole France éprouva un immense chagrin lors de la disparition de son fidèle compagnon.

Kiki-La-Doucette, la chatte blanche à la langue bien pendue de Colette lui servit de modèle dans Ses dialogues de bêtes. Son autoportrait est fort instructif sur le physique et le comportement du chat.

Les chats sont indispensables au quotidien de Colette. Ils sont nombreux à cohabiter et à se succéder à la maison de Saint Sauveur au Puisaye et à l’appartement du Palais Royal à Paris. Chacun est particulier et s’exprime à sa manière.

Comme dans son roman La Chatte, l’animal est toujours doublé d’un personnage qui conduit à l’anthropomorphisme, ce qui n’occulte pas la finesse nécessaire pour mettre le chat à nu, comme on ne l’avait jamais fait auparavant. Colette s’impose comme la première éthologue (spécialiste de l’étude du comportement) des temps modernes, un atout scientifique doublé du talent de la romancière.

Colette incite ses chats à miauler, à faire des vocalises. Elle décrit dans La Chatte les différents ronronnements en « mrrou » qui constituent le langage de ses félins.

Sa vie entière a été associée à celle des chats. On retiendra cette célèbre phrase « A fréquenter le chat, on ne risque que de s’enrichir ».

Chaque chat de Georges Brassens n’avait qu’un seul nom : Le Chat.

Le poète ne voulait exercer aucune emprise sur cet animal libre.

Il avait toujours la même attitude : s’il ne les prénommait pas, il ne les appelait pas non plus.

C’est de ce chat unique ou multiple qu’il s’inspire dans ses chansons. On se souvient tous de la très connue et coquine ‘Brave Margot’ :

« Quand Margot dégrafait son corsage
Pour donner la gougoutte à son chat
Tous les gars, tous les gars du village
Etaient là, lalala la la la

Etaient là, lalala la la la … »

Sa passion pour le chat est réelle et son admiration sans bornes. Il s’impose comme un observateur méticuleux du comportement du chat, libre d’être lui-même, félin avant toute chose.

Paul Léautaud vivait avec au moins trente chats et quinze chiens qui l’accompagnaient dans son quotidien. Sa maison de Chatenay-Malabry était littéralement envahie. Il ne pouvait vivre que parmi une colonie de chats qu’il transportait en partie dans un landau.

George Sand avait coutume de prendre son petit déjeuner en présence de Minou. Ce dernier avait tous les droits. Il ne se contentait pas d’assister au petit déjeuner de sa maîtresse, la regardant sagement déguster de fines tranches de pain fournis par les boulangers du Berry ou de Paris, il s’octroyait le privilège de grimper sur la table et de se servir à volonté. Habituée à bousculer les conventions sociales, elle ne voyait aucun inconvénient à inviter à sa table son favori à moustaches.

Au château de Nohant, il était habituel de voir Minou se pourlécher, dégustant un peu de beurre dans l’assiette de sa maîtresse et laper le lait sans la moindre discrétion.

Pierre Loti vouait une véritable passion pour les chats. Il confiait qu’il n’avait aucune imagination pour leur trouver un nom d’où la pléthore de « Moumouttes ».

Officier de marine, il ramena de Chine une petite chatte maigrichonne et quelconque, qu’il n’avait pas voulu abandonner et qu’il nomma Moumoutte Chinoise.

Parmi les chats qui ont marqué sa vie, il faut citer M. Souris dit « La Suprématie », le chat de son enfance, Ratonne,  Belaud, Belkis (une chatte donnée par une dame turque en 1903 et que ses officiers ont fait baptiser à Istanbul au scandale général), Kedi-Bey (seigneur en turc) ou bien encore Pamouk, splendide angora noir qu’il ramena de Turquie dans son Rochefort natal. Raffinement ou excentricité, Pierre Loti fait graver une carte de visite au nom de chaque animal. Membre de l’Académie Goncourt en 1883, de l’Académie Française en 1891, il devient président d’honneur de la Société Protectrice des Chats en 1908. 

Alexandre Dumas père, aimait raconter les aventures incroyables de ses chats dans son Histoire de mes bêtes. Ils étaient tous nommés Mysouff. Il fonda une ligue pour la défense des félins en association avec ses collègues et amis Guy de Maupassant, Anatole France et Charles Baudelaire. Le premier Mysouff avait accompagné Alexandre Dumas alors qu’il entamait sa carrière. Chaque jour, son chat le regardait partir au travail et chaque soir, il l’attendait au coin de la rue, quel que soit l’heure à laquelle son maître revenait.

Après la disparition de son fidèle ami, arriva Mysouff II au poil court, noir et blanc que la cuisinière avait trouvé dans le sous-sol du château de Monte-Cristo. Devenu riche et célèbre, il traitait Mysouff II généreusement et le dorlotait, même si ce dernier fit une grosse bêtise en mettant à sac sa belle volière aux oiseaux exotiques avec l’aide des singes de sa ménagerie personnelle.

Un revers de fortune épargna à Mysouff II une punition mémorable et lui permit de réintégrer tranquillement sa maison.

Alexandre Dumas fils, raconta aussi les facéties de son propre chat appelé également Mysouff dans Sa correspondance. Ce dernier servit également à l’élaboration du manuscrit de la Dame aux Camélias, prenant part par ses mimiques au futur succès de la pièce de théâtre.

Lorsqu’il était étudiant à Paris, Emile Zola logeait dans une chambre où il hébergeait cinq à six chats. Ils sont souvent affublés du nom des futurs personnages de ses romans, à commencer par Nana. La féline possède la silhouette et l’allure de son héroïne. Aussitôt installé à Medan, alors qu’il commence à vivre de sa plume, Emile Zola accueille ses amis les chats sans compter. Leur observation nourrit sa plume. Les comportements de Françoise et Catherine, deux chattes très différentes, sont décrits dans les Nouveaux Contes à Ninon.

Chacune symbolise une civilisation différente. De tous ses chats, il en a étudié le caractère, l’originalité pour en faire des portraits percutants et essentiellement féminins dans son œuvre (Thérèse Raquin, Paradis des chats, La faute de l’Abbé Mouret, la Joie de vivre).

Georges Simenon s’est inspiré de l’antagonisme de ses deux chattes Emilie et Marguerite pour rédiger son roman Le Chat magnifiquement interprété par Jean Gabin (Emile) et Simone Signoret (Marguerite) dans le film de Pierre Gravier Deferre en 1971.

Il met en scène un vieux couple, marié depuis 18 ans qui ne s’adresse plus la parole, ne communiquant depuis 4 ans, que par des petits mots écrits sur des bouts de papier. Mariés pour de mauvaises raisons, incapables de vivre seuls, la haine finit par les submerger.

Le jour où le mari tombe malade, c’est elle qui doit nourrir le chat, mais elle verse du raticide dans la gamelle. Désespéré et anéanti par la mort de son compagnon, Emile se console dans la boisson et se venge sur le perroquet de Marguerite. Des dialogues culte ont offert aux deux acteurs un Ours d’Argent.

Le romancier Charles Dickens adorait les chats et les oiseaux. Cependant il refusait d’avoir un félin dans sa maison londonienne de peur que ce dernier ne s’en prît à ses amis à plumes. Un jour, sa fille reçut en cadeau un chaton blanc baptisé William.

Quelque mois plus tard, ce soi-disant mâle mit au monde une portée de chatons. Rebaptisée Williamina, la chatte insista fortement pour que sa progéniture puisse participer à la vie familiale : elle désirait que ses petits connussent d’autres lieux que la cuisine. Emu par tant d’opiniâtreté Charles Dickens céda et les chatons eurent une jeunesse dorée dans les pièces de vie de la maison. Une fois adultes, ils furent adoptés dans de bons foyers, excepté celui qui était sourd et sans nom, puisqu’il n’eût pu l’entendre.

C’était donc « le chat du maître ». Il suivait en effet l’écrivain comme un chien, partout dans la demeure, et s’installait à côté de lui sitôt que l’auteur s’asseyait à sa table de travail. Il savait également attirer son attention quand il en ressentait le besoin. Eteindre la bougie quand son maître écrivait, était une de ses astuces.

Edgar Allan Poe travaillait toujours, sa chatte perchée sur l’épaule, sans se laisser distraire. Il sentait son regard sur ses écrits et cela donnait des ailes à son imagination. Sa chatte Caritta servit d’inspiratrice à son roman à succès Le Corbeau. Cet écrivain vénérait les chats (il en eu plusieurs) autant que son traducteur Charles Baudelaire. Ce dernier dans Les Fleurs du Mal consacra plusieurs poèmes en leur honneur.

Ernest Hemingway depuis son enfance ressent étalement une passion pour ces animaux. La mort de Crazy Christian lui inspira un poème émouvant. Que ce soit en France ou à Cuba, ses maisons sont toujours pleines de chats de rue, trouvés ou donnés. Lorsqu’il rentre aux Etats-Unis, il acquiert une villa sur l’île de Key West en Floride. Cette demeure entourée d’une végétation tropicale devient un véritable paradis pour les cent chats de l’écrivain.

Aujourd’hui, les touristes affluent pour visiter ce royaume où évolue la descendance des chats d’Hemingway. Toutes les pièces de la demeure ont été colonisées. Même les murs sont recouverts de tableaux à leur effigie. Le chat est le maître des lieux jusque sur les pierres tombales sculptées en forme de chats.

Je pourrais continuer à vous raconter, encore et encore, des histoires de chats et de leurs écrivains mais prolonger la liste vous lasserait sans doute.

A travers ces anecdotes, vous mesurez la place prépondérante de ce petit animal dans la vie de nos célèbres auteurs français et étrangers.

Comme pour ces derniers, leur présence et leurs facéties me ravissent et me font damner tout à la fois mais en aucun cas je ne saurais m’en priver.

Je conclurai cet article par la phrase de Charles Dickens qui résume merveilleusement bien mes propos :

« Quel plus beau cadeau que l’amour d’un chat ».

Sources : Les Chats des Ecrivains – Sélection Miaou : 28 Histoires au Poil

 Auteurs : Bérangère Bienfait, Valérie Parent, Brigitte Bulard-Cordeau

Cet article a été sélectionné et rédigé par le Dr CARRERE

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