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Intoxication par le venin du crapaud

Aux premiers abords inoffensifs, les amphibiens peuvent avoir des armes de défense potentiellement dangereuses pour un animal domestique insouciant. Le chien est la première victime d’envenimation par le venin de crapaud. Une évolution fatale n’est pas rare. Une mise en garde est utile pour une intoxication encore peu connue.

Biologie

Les crapauds sont des amphibiens anoures (sans queue) qui représentent plus de 500 espèces dans le monde. En France métropolitaine et en Corse, 13 espèces sont répertoriées, dont la plupart sont en voie de régression, voire de disparition. Elles sont toutes protégées. Il est donc interdit de les tuer.

Ce sont des animaux terrestres (et non aquatiques), nocturnes ou crépusculaires qui passent la journée, cachés sous une pierre ou dans un trou. Ils se nourrissent principalement d’insectes et d’autres petits animaux (limaces, lombrics, mille-pattes…)

Au printemps, ils convergent tous vers un point d’eau (celui où ils sont nés) pour se reproduire. Là, après accouplement, les œufs sont fécondés dans l’eau et donnent des têtards, qui en quelques semaines seulement donneront des petits crapauds.

D’octobre-novembre à février-mars, les crapauds hibernent dans une cavité à l’abri du gel et à moins de 500 mètres de leur lieu de ponte.

Ces animaux poïkilothermes (dont la température varie en fonction du milieu) ont une peau rugueuse constellée de « verrues », des glandes granuleuses où est produit un venin. Leur tégument comporte aussi de nombreuses glandes muqueuses productrices d’un mucus qui le protège de la déshydratation.

Leurs pattes sont courtes et ils préfèrent marcher lentement plutôt que de sauter (à la différence des grenouilles). Les femelles sont généralement plus grosses que les mâles. On ne les entend pas sauf au moment de la reproduction où le mâle émet un chant plus discret (fluté) que celui des grenouilles.

 Les espèces les plus fréquentes sont :

  • Le crapaud commun : c’est le plus courant partout en France et le plus gros : le mâle mesure 5 à 10 cm et la femelle 8 à 15 cm ; il est de couleur brun-gris et son iris est cuivré-doré.
  • Le crapaud des joncs : il ressemble au crapaud commun mais en plus petit (6 à 9 cm) et avec une ligne jaune dorsale

Le crapaud vert : présent seulement dans l’Est de la France, il a une robe « tenue de camouflage » caractéristique (taches vert foncé sur fond clair) ; il mesure 5 à 12 cm

  • L’alyte accoucheur : présent partout en France sauf dans les Landes, le Gers et la Corse, ce petit crapaud (5 cm) aux taches brunes et noires sur le dos à la particularité de prendre soin de sa progéniture ; le mâle transporte ainsi les œufs fécondés sur ses pattes postérieures jusqu’à leur éclosion
  • Le sonneur à ventre jaune : ce petit crapaud (3-5 cm) a une peau très verruqueuse et se distingue par une face ventrale jaune qui contraste avec sa face dorsale brun-gris terne.

Pharmacopée

Le venin de crapaud desséché est un remède connu de la pharmacopée chinoise. Il est utilisé depuis des siècles comme anti-inflammatoire, antalgique (il est utilisé par exemple contre les maux de gorge), cardiotonique, antihémorragique diurétique et comme traitement anti tumoral.

Ses propriétés thérapeutiques seraient liées à sa composition en bufadiénolides, des stéroïdes et en particulier en bufaline dont l’activité anti tumorale a été établie.

Un autre composant, la bufoténine, est connu pour ses effets hallucinogènes (elle agit comme le LSD).

Toxicité

Elle est due au venin, d’aspect blanc crémeux, produit par des glandes granuleuses présentes dans le derme sur la partie dorsale du corps du crapaud. Les plus importantes et les plus chargées en venin, les glandes parotoïdes, se situent en arrière de la tête. Elles représentent un mécanisme de défense passif de l’animal (il ne l’inocule pas volontairement).

Lorsque le corps subit une pression excessive (chien qui mord le crapaud par exemple), les glandes libèrent le venin sous l’action de muscles situés autour.

Le venin comporte un cocktail de molécules toxiques ; des dérivés stéroïdiques à effets cardiaques (bradycardie, fibrillation arrêt cardiaque) avec des bufadiénolides, des bufotoxines et la bufagine, des alcaloïdes à effet vasoconstricteur (contractent les vaisseaux sanguins), des catécholamines (adrénaline, noradrénaline) et des molécules à effet hallucinogène. Acide, ce venin est également irritant pour les muqueuses.

Animaux sensibles

En théorie, tout animal est sensible au venin de crapaud sauf peut-être le hérisson, le héron cendré, la couleuvre à collier, prédateurs naturels des crapauds en France métropolitaine, certains étant même immunisés contre le venin.

En médecine vétérinaire, les cas d’intoxication sont observés en premier lieu chez le chien et très rarement chez le chat qui, lui, n’a pas tendance à prendre en gueule ce batracien. Il faut en effet une pression élevée sur le corps pour que le venin soit éjecté.

L’intoxication des bovins, accidentelle, est aussi documentée.

Le chien prend le crapaud pour une proie potentielle ou un jouet, l’attrape avec sa gueule et est immédiatement exposé au venin libéré. Il ingère rarement l’animal en raison de l’acidité du venin mais ce dernier est rapidement absorbé par les muqueuses digestives.

Les intoxications ont lieu du printemps au début de l’automne avec un pic en été (juillet-août).

Toucher le crapaud n’est pas dangereux pour l’Homme car le venin ne traverse pas la peau. Il est quand même conseillé de se laver les mains après.

Symptômes cliniques

Chien, chat

Les premiers symptômes apparaissent dès la prise en gueule du crapaud et la libération du venin. L’animal présente une hyper salivation qui dure au moins 12 heures, due à une inflammation sévère de la cavité buccale et du pharynx. Une anorexie est notée pendant 48 heures. Si l’intoxication est minime, seuls ces signes sont présents puis tout rentre dans l’ordre.

Dans les cas plus sévères (liés à une atteinte systémique), des vomissements avec diarrhée, douleurs abdominales sont possibles 24 heures après l’intoxication puis apparaissent une hyperthermie, un abattement, des difficultés respiratoires, une incoordination des membres (démarche anormale), des tremblements et convulsions.

Des signes cardiaques sont détectables à l’auscultation et sur l’électrocardiogramme (bradycardie ou tachycardie, arythmies).

Le pronostic vital est réservé quand l’animal est jeune et/ou de petit gabarit (chat, pinscher, chihuahua…). La mort peut être rapide (moins de 24 heures). Chez les chiens plus grands, une amélioration est réelle au bout de 6 jours seulement mais l’animal présente encore longtemps une léthargie et une incoordination des membres.

Parfois, le venin éjecté se trouve en contact avec l’œil et provoque une kératoconjonctivite sévère.

Premiers soins

Il n’existe pas d’antidote et tout contact buccal avec un crapaud nécessite une consultation en urgence. Si l’animal présente une salivation très importante sans vomissement et qu’il vient de l’extérieure – en particulier en début ou fin de nuit – et si la saison s’y prête, il faut penser à une intoxication au crapaud.

Le premier geste est de rincer longuement la bouche à l’eau (gourde, jet d’eau …). Si l’œil est atteint, un rinçage au sérum physiologique tiède est préconisé.

Le traitement en clinique est alors symptomatique : rinçage buccal au bicarbonate de sodium (pour neutraliser l’acidité du venin), mise sous perfusion, injection en dose choc de corticoïdes à action rapide pansement gastrique. Une surveillance cardiaque, essentielle est mise en place avec médicalisation adaptée.

L’évolution dépend de la quantité de venin ingérée, de la rapidité d’intervention et de la taille de l’animal.

Prévention

Très peu de personnes connaissent la dangerosité liée aux crapauds. La prévention passe par l’information et la mise en garde des propriétaires de chiens et de chats dès le mois de mars.

Tout ptyalisme important soudain et inexpliqué chez un animal qui sort doit conduire à une consultation d’urgence. Attention, la destruction des crapauds et autres amphibiens est interdite, tout comme l’assèchement d’une mare.

Grenouille ou crapaud ?

Le crapaud n’est pas le mâle de la grenouille. Ce sont tous deux des amphibiens anoures mais aussi des appellations populaires fondées sur des ressemblances physiques entre différentes espèces.

Les crapauds ont la peau épaisse, « pustuleuse » et sèche alors que les grenouilles ont plutôt un tégument lisse et muqueux (« humide »).

Les crapauds ont le museau arrondi (et non plutôt pointu), une pupille horizontale (et non ronde), des œufs pondus sous forme de chapelets (et non de grappes).

Ils ont des pattes courtes et se déplacent surtout en marchant alors que les grenouilles sautent grâce à leurs pattes longues et musclées.

En France métropolitaine, les crapauds sont venimeux et non les grenouilles.

Sources : La Dépêche Vétérinaire n° 139 du 26 mai au 1er juin 2018 – Laetitia Barlerin

Cet article a été sélectionné et rédigé par le Dr CARRERE

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